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24 octobre 2018

La guerre n'est pas une aventure, c'est une maladie

LAV III

©Photo Gracieuseté - Forces armées canadiennes

L'installation d'un véhicule de type LAV III au Parc de la paix est toujours un sujet de discorde.

PAR PHILIPPE GARON - Tout d’abord, je tiens à rappeler que je suis en faveur du projet de parc de la paix à Rivière-à-Claude et que je vous remercie pour votre initiative. Considérant la violence écrite, verbale et physique que nous vivons malheureusement encore aujourd’hui, tout effort déployé pour promouvoir des valeurs de respect s’avère peut-être plus important que jamais.

Ceci dit, je dois vous avouer que la lecture de l’article de Dominique Fortier publié le vendredi 19 octobre dernier m’a laissé perplexe. Je souhaite donc prendre ici le temps de partager avec vous mes réflexions.

Tout d’abord, on peut y lire que vous « dénoncez la méconnaissance dont [je] fai[s] preuve à l’égard de la culture militaire. » Est-ce que vous me connaissez personnellement? J’ai fait partie du régiment des Fusiliers du St-Laurent. Mon frère, mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père ont servi dans l’armée canadienne. Je suis le coauteur de l’historique du 6e Régiment d’artillerie de campagne de Lévis. Je crois pouvoir affirmer sans prétention que certaines personnes connaissent moins bien que moi la culture militaire. Mais supposons que je ne la comprenne pas bien. Mes études collégiales et universitaires m’ont, en revanche, initié à la philosophie. Et c’est là que ça commence à être intéressant. Grâce à notre système d’éducation, j’ai eu le privilège d’acquérir des notions en logique, en esthétique, en politique et en éthique. Mes études m’ont également motivé à lire des auteurs et penseurs qui ont marqué l’humanité. Mais encore plus important, elles m’ont incité à vivre plus librement, à réfléchir, à exercer mon sens critique, à faire mes propres choix de vie et à les assumer, à m’impliquer dans ma communauté de manière positive, à promouvoir l’importance de l’éducation, à chercher à communiquer avec les gens autour de moi d’une manière éclairée, mais bienveillante, ce qui implique notamment de prendre le temps de les écouter, même quand je ne suis pas d’accord avec eux, à ne pas les attaquer personnellement, à stimuler le déploiement de l’intelligence collective, à cultiver le sens du compromis, de l’ajustement, de la collaboration, à viser la découverte de solutions plutôt que de chercher à imposer ma manière de penser. Bref, j’estime que ma passion pour la philosophie m’a beaucoup mieux outillé pour comprendre la culture militaire que mon rapport personnel avec l’armée.

Ensuite, vous affirmez, et je cite « […] que le simple fait de faire référence au véhicule blindé comme étant un “symbole guerrier” est un grand manque de connaissance et de respect envers les militaires qui ont servi durant les différentes guerres. » Or, si l’on regarde la définition dans le dictionnaire, un blindé est « un véhicule de combat muni d’un blindage » Quant au mot combat, il signifie « [l]utte entre deux ou plusieurs adversaires armés, deux formations militaire » Dire qu’un blindé est un symbole guerrier ne relève pas de la méconnaissance, du manque de respect ni même de l’opinion. Il s’agit d’un fait objectif.  Et placé devant un blindé, n’importe quel être humain honnête, qu’il soit militaire ou civil, vous dira qu’il voit un véhicule de guerre. Pas un véhicule de paix.

Un autre argument que vous avancez est la représentativité dans la population de mon opinion et de celle des 67 cosignataires de ma lettre. Comment pouvez-vous présumer bénéficier de l’appui de la majorité des citoyens puisqu’aucune consultation publique digne de ce nom n’a été réalisée? Et fût-ce le cas, l’installation d’un blindé sur le bord de la 132 deviendrait-elle subitement une bonne idée pour autant?

Ensuite, vous établissez un lien direct entre la mort de soldats en temps de guerre et la défense de la liberté d’expression. Voilà un sujet complexe qui ne peut être abordé en quelques mots sans risquer de verser dans l’émotion et l’opinion. Mais essayons quand même d’y voir un peu plus clair. La liberté d’opinion est un droit dont nous devons principalement la consécration juridique aux Lumières. Au Québec, historiquement, les signataires du Refus global, les mouvements féministes, syndicalistes et nationalistes font sûrement partie des facteurs déterminants dans la remise en question des dogmes traditionnels ainsi qu’à des gains significatifs sur le plan des libertés individuelles. Mais invoquer le sacrifice des soldats pour défendre certaines valeurs est une notion éminemment discutable. En fait, depuis la nuit des temps et dans tous les coins du globe, les armées sont davantage intervenues pour opprimer les peuples que pour favoriser leur émancipation. Certes, dans le cas des deux grandes guerres, bien que les intérêts financiers des belligérants s’imposent comme motivation principale, il est évident que les considérations idéologiques furent extrêmement importantes à l’époque, entraînant d’ailleurs la mort de nombreux soldats, mais d’encore plus de civils. Ceci dit, comme le parc de Rivière-à-Claude vise à honorer les victimes de la guerre en Afghanistan, quel est le lien entre ce conflit en particulier et notre liberté d’opinion? Soyons honnêtes, l’intervention de troupes là-bas était-elle autant motivée par de nobles intentions humanitaires que par de basses visées géostratégiques et économiques? Bref, lorsque des vétérans s’attribuent le mérite de notre liberté d’expression, n’est-ce pas en très grande partie une forme d’usurpation face au travail acharné de femmes et d’hommes qui ont milité et militent encore pacifiquement pour l’avancement et la préservation de nos droits civiques? Et même si nous laissons de côté cette analyse, ultimement, que ce soit sous le joug de régimes totalitaires ou des pires horreurs de la guerre, l’être humain ne trouve-t-il pas toujours le moyen d’exprimer sa liberté? La fable « La vie est belle » n’en est-elle pas une illustration aussi touchante qu’éloquente?

Dans l’article, vous continuez en exprimant que ledit blindé constituera un attrait touristique pour la Haute-Gaspésie. Ici, vous me permettrez un peu d’humour. Croyez-vous vraiment que des gens de Repentigny, Hamilton ou Bordeaux vont se dire : « Hé! Allons en Gaspésie! Ils ont un LAV III! »? Blague à part, les visiteurs viennent dans notre région pourquoi? D’abord et avant tout pour la beauté des paysages. Alors, svp, comme on a déjà assez de misère de même à protéger notre territoire, serait-il possible de ne pas faire exprès pour y installer des éléments qui risquent de le défigurer encore plus? Et à propos de l’environnement, toujours dans l’article, vous établissez un parallèle douteux avec la reconstruction du théâtre de Petite-Vallée, affirmant qu’ « [o]n a immédiatement pris la décision de reconstruire au même endroit malgré les risques d’érosion. »  Je vous invite à discuter avec l’équipe du Village en chanson. Vous pourrez constater à quel point ils travaillent rigoureusement, en collaboration avec les ministères concernés, pour respecter cette conséquence maintenant incontournable des changements climatiques ainsi qu’une intégration architecturale harmonieuse du nouvel édifice dans le cadre naturel. Dommage que votre projet n’ait pas été soumis aux mêmes exigences.

Mais la cerise sur le gâteau, c’est lorsque vous dites, et je cite, « […] que s’il devait y avoir un dialogue avec la population, [vous] ne cro[yez] pas que le préfet soit redevable à quelqu’un qui n’habite plus la Haute-Gaspésie. »  Je suis né à Ste-Anne-des-Monts, j’y ai vécu plus de vingt ans, j’y retourne régulièrement et j’y paie encore des taxes puisque, jusqu’à nouvel ordre, j’y possède encore une propriété. Mais oublions tout ça. Mon appel à la collaboration est-il moins pertinent parce que je ne vis plus en Haute-Gaspésie? Et si la demande que j’ai adressée à monsieur Cormier était portée par quelqu’un qui habite du côté nord, seriez-vous plus ouvert à une consultation publique?

Pour conclure, je le répète Monsieur Bouchard, j’appuie votre démarche. La seule chose que je demande, c’est que nous prenions notre temps. Il n’y a pas d’urgence. Personne ne va mourir si nous attendons d’avoir bien pensé ensemble le projet avant de le concrétiser. Le principal point à discuter, c’est l’installation d’un blindé. Mais à la limite, si vous y tenez tant, nous pouvons trouver des idées de compromis pour faire en sorte qu’il devienne véritablement un symbole de non-violence. Je vous offre bénévolement mon aide pour réaliser cet exercice de réflexion. Si vous acceptez la main que je vous tends, vous prouverez que vous souhaitez vraiment que ce parc soit un parc de la paix.

En vous remerciant de votre attention, je vous prie, Monsieur Bouchard, d’accepter mes sincères salutations.

 

Philippe Garon

Bonaventure

 

Commentaires

26 octobre 2018

Yolaine Lebrasseur

Moi non plus, je ne suis pas pour le BLINDÉ sur le bord de la 132... !!!!

26 octobre 2018

Pierre Laurier

Je crois que la majorité des militaires qui ont participé à la guerre en Afghanistan ne connaissaient pas les vraies raisons pour lesquelles l'armée les y a envoyé. C'était beaucoup plus une question de convoitise de pétrole que de défense de valeurs. Et oui, je crois qu'il est injuste que l'armée s'approprie le mérite d'y avoir défendu nos valeurs. Le discours de George W. Bush, je n'y ai jamais cru, et encore moins ici, au Québec. Ça n'a pas grand chose à voir avec nous. Pour terminer, un blindé en démonstration en Gaspésie, je n'ai vraiment pas le goût de tomber là-dessus en me promenant, même si c'est pour honorer des personnes qui, sans le savoir, sont allés jouer le jeu des pétrolières dans un pays où les civils ne vivent vraiment pas mieux aujourd'hui qu'avant . Non merci !

24 novembre 2018

Renaud Rioux

Que peut-on ajouter à l'écrit de Philippe Caron et à celui de Pierre Laurier pour nous faire comprendre qu'à la guerre, il n'y a pas de héros mais des victimes et des robots leurrés par des idéaux. Non au Blindé!

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